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mardi 20 février 2007

Union Européenne et Afrique

Discours de la Chancelière fédérale Angela Merkel à l'occasion du 24ème sommet Afrique-France à Cannes le 15 février 2007

Monsieur le Président de la République française, cher Jacques,
Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous remercier chaleureusement, Monsieur le Président, cher Jacques, de m'avoir invitée au sommet entre l'Afrique et la France, d'une part dans ma fonction de Chancelière fédérale de la République fédérale d'Allemagne, merci aussi pour les relations excellentes et amicales qui existent entre nos deux pays au sein de l'Union européenne, et d'autre part dans ma fonction de présidente du Conseil de l'Union européenne et du G8.

J'aimerais remercier Jacques Chirac tout particulièrement pour avoir démontré personnellement à maintes reprises, à nous autres qui assumons la responsabilité politique en Europe, que l'amitié et la coopération avec l'Afrique ne représentent pas une cause politique quelconque parmi d'autres, mais qu'il s'agit là de choses qui te tiennent à cour, cher Jacques. Cela montre que l'humanité de notre continent se mesure à la manière dont nous élaborons nos relations avec notre continent voisin, avec l'Afrique.

Mesdames et Messieurs, Excellences,

C'est avec grand plaisir que je suis venue à cette rencontre aujourd'hui justement parce que je crois que la manière dont l'Europe coopère avec l'Afrique en dira long sur la façon dont le monde progressera dans la lutte pour la paix, la sécurité et la dignité humaine de tous. Nous recevons de bons signaux en provenance de l'Afrique, par exemple en termes de croissance économique. Avec plus de 5%, elle est plus forte qu'elle ne l'a jamais été au cours des 30 dernières années. Nous voyons que de nouvelles structures sont apparues ces dernières années grâce au NEPAD et à l'Union africaine. Nous savons que notre continent voisin, le continent africain, est un continent dynamique qui met tout en ouvre pour bénéficier des développements positifs.

L'Union européenne a, à la fin de l'année 2005, développé une stratégie pour l'Afrique. Après plusieurs années, l'Union européenne va à nouveau inviter les États africains à un sommet UE-Afrique qui se tiendra sous la présidence portugaise pendant le deuxième semestre de cette année. Les sommets réguliers entre la France et les États africains nous montrent combien la coopération de l'Union européenne avec le continent africain est nécessaire.

Nous savons que nous devons assumer des responsabilités, ce que nous désirons aussi, pour être en mesure de relever ensemble les grands défis qui nous attendent. Les développements mondiaux nous montrent de plus en plus qu'il n'y a pas de défis "africains" et "européens", mais plutôt que nous ne pouvons résoudre la plupart des problèmes qu'en agissant ensemble. Parmi ces problèmes figure le thème de la protection du climat; il faut empêcher le réchauffement de la planète dont précisément les pays africains souffriront fortement si nous n'agissons pas ensemble et résolument. Les conséquences des changements climatiques, des guerres civiles et de la migration constituent d'autres problèmes. Nous sommes aussi appelés à faire preuve de détermination pour lutter contre des maladies terribles telles le SIDA, contre la pauvreté et contre le terrorisme.

L'idée qui nous rassemble est celle que nous vivons tous sur une seule et même planète et que les prochaines générations doivent, elles aussi, disposer de suffisamment de ressources. Je crois qu'il est dès lors tout à fait naturel que nous nous sentions responsables dans le contexte de la coopération au développement, l'UE alloue 60% des fonds pour la coopération au développement aux pays africains, et que nous ayons et développions avant toutes choses une stratégie placée dans le long terme pour notre coopération.

Pour cela, le partenariat avec les pays africains constitue le point de départ de nos efforts. Ce partenariat dépasse le cadre de la coopération au développement classique. Il est bien entendu question de l'annulation de la dette, du concept bien connu de l'aide au développement, de la lutte contre la pauvreté et contre les maladies. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, l'enjeu est désormais bien plus grand. Je crois que nous avons au XXIème siècle une conception de la coopération qui va bien au-delà de l'aide au développement au sens classique. Dans le cadre de cette conception, nous mettons en place ensemble les institutions nécessaires et discutons d'une gouvernance raisonnable, évoquons les droits de l'homme, élaborons des mécanismes transparents et créons les conditions nécessaires pour que l'aide au développement atteigne les personnes dans vos pays.

L'approche en partenariat signifie que nous, du côté européen, ne nous contentons pas de vous présenter des propositions, mais que nous nous engageons dans un dialogue ouvert et apprenons à nous orienter en fonction de ce qui est, selon vous, important et nécessaire, ce dont vos populations ont besoin et ce qu'elles attendent. C'est une nouvelle approche, à laquelle nous devrons nous habituer, mais c'est pour moi l'expression de l'esprit de partenariat qui est essentiel si nous voulons tous bénéficier de notre coopération et faire progresser nos pays, tant en Afrique qu'en Europe.

Cela signifie évidemment que nous nous engageons en tant qu'Européens. Cela signifie que nous prenons les Objectifs du Millénaire au sérieux et que nous tenons nos promesses dans le cadre de la coopération au développement, y compris en ce qui concerne les moyens financiers. Je le dis clairement, et cela s'applique tant à la République fédérale d'Allemagne qu'aux autres pays européens: nous allons devoir fournir un effort considérable pour remplir nos quotas APD. Nous devrons avant tout nous efforcer d'engager les moyens que nous allouons de sorte à mettre en place des projets véritablement sensés et profitables à tous.

Nous devons aussi assumer des responsabilités dans d'autres domaines. L'année dernière, l'Union européenne a également fourni un soutien militaire pour sécuriser les élections en République démocratique du Congo. Je ne vous cacherai pas que cela a soulevé de nouveaux débats dans nos États membres, et plus particulièrement en République fédérale d'Allemagne, sur la limite de nos responsabilités. Nous avons clairement montré qu'il s'agissait de notre responsabilité commune de garantir la tenue d'élections démocratiques après un processus de renouveau bien entamé au Congo. Dès lors, cet engagement était nouveau, mais important.

Puisque nous sommes en contact les uns avec les autres, nous devons aussi parler ouvertement des problèmes. Nous savons qu'aucun de nous ne peut rester inactif face au conflit au Soudan, plus particulièrement dans la région du Darfour. Dans ce cas, bien entendu, il incombe à l'Union africaine d'agir. Cependant, je parle maintenant pour l'Union européenne, nous mettrons tout en ouvre pour améliorer enfin le sort des personnes qui vivent dans la région du Darfour, et ce, dans le cadre des Nations Unies conjointement avec l'Union africaine.

Nous devons veiller à faire avancer le processus de réconciliation nationale en Somalie. Ici aussi, je ne nierai pas que nous suivons avec inquiétude l'évolution de la situation au Zimbabwe. L'intimidation d'opposants politiques, le harcèlement, les menaces proférées à l'encontre de fermiers ainsi que la destruction de quartiers abritant des personnes pauvres: rien de tout cela ne peut être justifié. Je demande par conséquent aux États voisins du Zimbabwe de se joindre à nous dans notre effort visant à aider les personnes qui souffrent.

Comme nous le savons tous, la force économique, l'amélioration économique de la situation, la lutte contre la pauvreté et les maladies ne peuvent réussir que si l'être humain peut avant tout vivre dans la paix et la sécurité. C'est précisément l'objectif de la facilité européenne de soutien à la paix pour l'Afrique. L'assistance fournie pour mettre en place et former la Force africaine en attente poursuit également cet objectif. Je voudrais ajouter que nous, cela inclut la République fédérale d'Allemagne, soutenons le Centre Kofi Annan au Ghana.

Mesdames et Messieurs, Excellences,

Pour moi, il est très clair que si, un jour, notre génération jette un regard en arrière et se demande comment nous avons façonné notre monde après la fin de la guerre froide, un monde dans lequel il y a plus de liberté et où les informations sont accessibles pour tous de partout grâce au développement de l'Internet, nous devrons alors être en mesure de dire que c'était notre intérêt commun de ne pas profiter uniquement en Europe de la fin de la guerre froide, mais plutôt d'en faire bénéficier la population du monde entier.

J'ai moi-même grandi dans l'ancienne RDA. J'ai eu la chance que le Mur tombe, que Berlin soit la capitale d'une Allemagne réunifiée, que l'Union européenne compte aujourd'hui 27 États membres, que presque l'ensemble de l'Europe, que ce soit l'Europe orientale, centrale, méridionale ou occidentale, puisse coopérer au sein de l'Union européenne. Il y a 17 ou 18 ans, je ne savais pas que je foulerais un jour le sol de l'Ouest avant d'atteindre l'âge de la retraite. Il s'est produit quelque chose que personne n'avait prévu, non pas parce que rien n'a été fait et que l'on s'est contenté d'attendre, mais parce que quantité d'individus dans le monde, y compris dans l'ancien bloc de l'Est, ont cru à la paix, à la liberté et à la démocratie.

Au vu de cette expérience, il me semble que nous ne devrions pas nous reposer sur nos lauriers et simplement nous réjouir de ce que nous avons accompli en Europe. Nous devrions plutôt aspirer à voir se réaliser sur votre continent ce que nous Européens avons réussi. Cela nécessite vos propres efforts. Cela nécessite votre volonté. Cela nécessite la force de surmonter ce qui semble insurmontable. "a aussi, c'est l'histoire de l'Union européenne: avoir mené pendant des siècles des guerres les uns contre les autres et, après l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, avoir trouvé la force de se rapprocher et de fonder une Union européenne commune. Nous célébrons cette année les 50 ans des Traités de Rome. Nous voulons aider et vous apporter notre soutien dans la réalisation d'un tel rêve sur votre continent. C'est notre obligation.

Merci beaucoup.

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